
Quelle indécence provocatrice fait invoquer la beauté dans l’aveuglant tourbillon des malheurs inhumains ? C’est pourtant du gouffre appelé chaos que sort tout ordre beau nommé cosmos ; c’est surtout de la mort assumée que jaillit la Résurrection. A la violente lumière de ce plateau berlinois, avec la contribution de la jeune germaniste Marie Bader, en cette fête de Polycarpe qui fit porter à la vie beaucoup de fruits, revenons donc à l’essai récemment publié par Philipp RUCH :
WENN NICHT WIR, WER DANN ? – EIN POLITISCHES MANIFEST
ZENTRUM FÜR POLITISCHE SCHÖNHEIT (Ludwig Verlag, München, 11/2015)
Optons pour un titre plus décisif en français : Qui, sinon nous ?
– Un manifeste politique
Centre pour la beauté politique (Éditions Ludwig, Munich, novembre 2015)
Voici en français sa deuxième de couverture :
Si nous observons l’évolution actuelle, notre société semble courir le risque de perdre au jeu tous les acquis des derniers siècles : des êtres humains sont en quête de refuge et trouvent à l’arrivée des hommes politiques parlant de reconduite à la frontière et centre de rapatriement. Nous sommes régis par une économie dont les mécanismes viennent presque tous heurter nos conceptions éthiques. Pour la seule raison que la technique le rend possible, nos courriers sont lus et nos lieux de passage enregistrés. Où sont les hommes politiques et les intellectuels pour rappeler que notre société n’est pas viable sans le partage de notre humanité ? Que faut-il faire dans une période où les êtres humains se croient dispensés de tout devoir ? Que précisément des êtres jeunes se fracassent contre ce vide est trop peu pris en considération. Nous vivons dans un temps où s’est perdue la foi dans notre propre action ; nous sommes captifs de l’image qu’imposent à la planète un relativisme omniprésent et une soumission scientifique mal comprise – le déficit d’humanité est précédé par le déficit des concepts “humains”. Ce livre de Philipp Ruch montre ce qui nous a conduits à la croisée des chemins, menant vers l’avenir ou vers l’absence de sens, et détecte les pistes des convictions humanistes qui peuvent faire naître en actes une beauté politique. Il ne s’agit de rien moins que de la dernière des utopies que nous a léguées le champ de bataille idéologique du XXe siècle : l’humanité.
Voici maintenant le texte figurant sur la troisième de couverture :
Philipp Ruch, né en 1981, est homme de théâtre et directeur artistique du “Centre pour la Beauté Politique” qu’il a fondé en 2008, au sein duquel il s’engage en des actions ouvertes contre les génocides, pour les réfugiés et les droits de l’homme. Ses travaux témoignent de la possibilité pour le théâtre d’être le cinquième pouvoir dans l’État et se jouent consciemment des frontières séparant la réalité et l’art. Philippe Ruch a étudié la Philosophie politique et l’Histoire des idées pour terminer par un doctorat sous la direction de Herfried Münkler ; il vit à Berlin.

Sa quatrième de couverture est autant une question qu’une réponse : Pourquoi rien ne change, si nous ne changeons rien.
Les générations futures ne comprendront pas pour quelle raison nous, qui possédions les moyens d’arrêter la guerre, l’exécution capitale et les famines, n’y avons pourtant pas eu recours. Et pourtant notre prospérité, nos libertés, sont plus grandes qu’elles ne l’ont jamais été. Et pourtant qu’arrive-t-il ? Des réfugiés qui meurent encore et toujours aux frontières de l’Europe ; des fabricants d’armes allemands qui effectuent leurs livraisons auprès de régimes autoritaires ; une politique sécuritaire qui repose sur de massifs espionnages de données – il y aurait largement assez de raisons de s’engager. Malgré tout, la majorité de notre société sombre dans le désintérêt et dans la fuite vers le divertissement. Combien de temps encore resterons-nous spectateurs ? Philipp Ruch replace, comme fondateur du “Centre pour la Beauté Politique”, à travers des actions artistiques publiques, la conscience politique dans la vie quotidienne : il combat ainsi l’indifférence que nous inspire notre société quant à ses principes dignes d’être vécus. Car nous traversons une phase de sécheresse dans l’histoire du monde – il est temps de la désaltérer par la beauté.
Entrons à présent dans le Sommaire de ce manifeste pour une approche plus concrète.
L’Avant-propos annonce Un âge de la beauté politique
Prologue : L’impact des idées
PREMIÈRE PARTIE : QUI SOMMES-NOUS ?
Comment nous nous voyons nous-mêmes
Le naufrage des connaissances
Le cyanure de l’individualité
Le désenchantement de l’être humain
L’arcane de la psychologie
L’isolement de l’être humain
Le malaise dans la nature
Le séisme de la beauté
DEUXIÈME PARTIE : LE NIHILISME DE L’ÂME
Nihilisme mental
Fraude politique
Le combat des contraires
Il faut nous décider
La recherche intérieure
Le temple du subconscient
Que sont les sentiments ?
TROISIÈME PARTIE : LA VALEUR DE L’ÊTRE HUMAIN
Les actions comme interprètes des pensées
Les cultures comme capsules
La salle d’attente des fraudeurs
La réalité comme représentation et tendance
La détermination de l’être humain
Épilogue : la crise cardiaque du nihilisme.
D’une certaine manière, cet ouvrage semble donc développer le constat établi par Christian Savés dans La Prémonition de Socrate – Nihilisme et démocratie.

Entre la conscience de l’urgence et les antiques racines de notre action toujours ouverte, la laideur et l’horreur semblent étouffer tout espoir : en paraphrasant, interrogeant, réalisant, la prophétie de Dostoïevski, la beauté politique sauvera-t-elle le monde ? Europe se montrera-t-elle pleinement, fidèlement, mère de l’Europe, en nous faisant opter pour l’intégration, pour faire échec à la désintégration ? Une “Œuvrope” obscurément espérée, préparée dans la nuit, sera-t-elle la pacifique fille d’EurOpe, la mère aux Larges-Vues ? Ou bien Minos, son fils mythique, accomplira-t-il sa face ténébreuse comme père de tous les minables qui minent les pures merveilles de la nature, de la culture à laquelle il donna pourtant le jour par la première civilisation eur-opéenne, et des garanties sacrées comme juge dans l’au-delà ? Grâce à Platon qui nous adresse une méthode avec tendresse, l’âge de la beauté politique est toujours devant nous – même si nous nous sentons gourds, sourds – formant nos équipages par-delà tout naufrage, jetant la mort par-dessus bord, nous désignant les rives des claires perspectives.