A partir des notes prises lors d’une sortie organisée par les Amis du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg pour (re)découvrir des vitraux français et suisses d’Alfred Manessier, le Vitromusée de Romont, la ville suisse de Fribourg dont la cathédrale Saint-Nicolas et l’Espace Tinguely-Saint Phalle, enfin le Centre Paul Klee de Berne, voici un compte rendu personnel d’un parcours partagé dans la bonne humeur propice à l’émerveillement. L’écrivain méconnu récemment disparu Camille Bourniquel est en quelque sorte le catalyseur de ce cheminement, puisqu’il ouvrit son ami Alfred Manessier à bien des révélations bouleversantes et fondatrices. Puisse ce modeste billet communiquer l’enthousiasme provoqué par la formule qu’inspira visiblement le souci de bien visiter ensemble plusieurs hauts lieux en quelques heures. Ses premières illustrations proviennent du village des Bréseux et de Pontarlier.
La véritable vocation avance au pas de la passion,
telle la voile sous les étoiles
entre baptême et communion.
La voix se fait contre-maîtresse pour qu’une œuvre et deux mains se tressent :
quel est le plus beau de tous les cadeaux
jaillis de la retraite ? Une vie enfin prête !
Tout autour, les coquelicots sans le moindre cocorico,
quand rôde l’orage
dans les halliers,
retenant sa rage
sur les rosiers,
à tous les vents s’aiment, essaiment et sèment.
Du choral matinal,
la ritournelle est sentinelle :
chaque champ prend son temps.
Il fallait bien à sainte Agathe un œil de boeuf qui se dilate
au son du don,
à la prière de la lumière…
et la Grotte du Trésor filent vers une république tranquille :
le Saugeais sans révolution,
sinon sur les tuiles des tenons pour la neige et sous nos oreilles des volutes d’arpèges.
Dans les rails du vitrail,
sans morgue les orgues,
tandis que les reflets
des ombres sans nombre
changent la vie en lait,
offrent leur voix à la matière
et l’angélus
à l’oculus,
levant le poids de la poussière.
Sur la plaine, à l’arbre mort la croix redonne un essor.
Le canton de Fribourg fait rimer la patrie
avec la liberté : le mont rond de Romont
regarde jusqu’au fond très haut de l’horizon
surgir du sol une transparence pétrie
de tendresse. Le tout proche Orsonnens laisse alors mûrir patiemment le sens.
En voyant le logo du Vitromusée,
l’âme demeure presque médusée,
croyant reconnaître l’aleph phénicien :
car il a pour frère
en effet le verre,
comme Europe et les navires musiciens…
Jamais ces cylindres ne sauraient se plaindre :
le cristal plat déploie l’éclat.
Il suffit de le construire pour que l’accord puisse luire…
D’une Augustine à l’autre, on découvre un chemin
qui monte et qui descend du déclin au matin :
l’esprit filtre l’aurore à force de s’instruire.
De la mémoire se tend l’arc : au Pensionnat Jeanne d’Arc,
l’une de mes aïeules s’est-elle sentie seule,
en exil, quand elle apprenait à pratiquer le beau français,
voilà juste cent années – qui ne se sont pas fanées,
décrochant son brevet
sous la garde de Nicolas de Myre, à force de naviguer et d’écrire
pour aborder la paix ?
Sur les pentes de Fribourg, les sonnailles
des réseaux et des eaux
durent entre l’art et les retrouvailles.
Les machines, sous les mains des enfants
tandis que la troupe amicale
se soude en émergeant des cales,
s’illuminent et mènent droit devant.
« C’la marche ou bien c’la joue » dit le guide ; la boue
sèche par palier dans les escaliers :
debout, une marche après la marche, la verrière se pose sur l’arche.
Voici Paul Klee, marin dans les plis du terrain,
tel un épais trèfle aux senteurs de nèfle.
Et soudain le chœur bat entre les cœurs :
le rythme est l’équilibre qui sait nous garder libres.
Tout concert
– nous dit encore l’étymologie où la parole baigne aux sources jolies –
sonne clair,
comme une bataille qui soudain ravitaille,
changeant le bruit en de beaux fruits.
Par la flèche toujours fraîche,
traits et sons nous refont :
que parte le corps incarner l’abord,
sans casque de marionnette
– fût-il phénicien –
ni masque, mais plus honnête
qu’un comédien,
lorsque les cruches deviennent ruches
pour que le ciel devienne miel.
Je t’envie d’avoir su saisir l’opportunité d’un tel voyage et d’une telle visite. Tu en as été visiblement enthousiasmée, dans le sens étymologique : des yeux de peintre-photographe, des âmes de poète, font merveille dans les partages hauts en couleurs lumineuses.
Ma journée en est déjà belle comme un vitrail. MERCI.
Jean-Yves/Vosges du Nord
Il reste à souhaiter que beaucoup puissent arpenter cet été, sans pour autant les surcharger, de telles pistes en admirant ce qui le mérite vraiment !
Nous en avons eu plein les yeux et voici que tu déposes des mots poétiques sur nos images!
Merci
Bravo surtout pour cette sortie menée avec autant de grâce amicale que de compétence magistrale !