
Dans le Haut-Rhin que la maladie avait touché le premier, l’envie de JMP ne s’est pas laissé prendre, ni suspendre ou “co-vider”. Non, la voici debout, bien vivante, comme si les rendez-vous donnés se dilataient dans l’éternité lorsqu’ensemble la santé s’invente. Celle-ci respire dans le cœur du Souffle Créateur et Sauveur contre toute espérance, toute attente, contre la triste raison raisonnante : “Toi, réveille-toi, prends ton grabat droit, que s’ouvre l’espace devant toi qui passes”, dit au paralytique le Christ si l’on développe les termes grecs employés par l’Evangile de Jean au chapitre 5, au verset 8. La plasticienne zimbabwéenne Nonhlanhla Mathe commente ainsi l’image choisie comme bannière et mot d’ordre de cette JMP :
L’arrière-plan supérieur dépeint, de droite à gauche, la transition d’un passé sombre et difficile vécu par la nation à un avenir plus prospère et prometteur.
Dans la partie inférieure du tableau, la composition dépeint plutôt l’amour, la guérison et la réconciliation inspirés par le passage de l’évangile de Jean 4, 2-9a.

Or ce relèvement est décrit par le verbe même dont l’esprit est l’éveil de toute la personne sous la résurrection qui rayonne déjà, comme l’aveugle-né discerne – après une nuit infiniment terne – les hommes tels des arbres, marchant et prenant devant ses yeux du champ (Mc 8, 24). Avec les arbres s’élèvent de grands et petits élèves !

L’hôpital lui-même sort de la mort un essor fort : pour soigner, la “Montagne au moine” mobilise des mains idoines.

Au pied, des feuilles de papier ne demandent qu’à verdoyer de pensées entières et d’ample matière.

La musique alors étend son accord en nombre d’ailes, et l’ombre frêle se brise en joyeux éclats, ne laissant personne las.

Et dès lors l’école encore décolle dans un sursaut plus beau que haut.

Le brouillard se déchire quand les livres soutirent à nos cerveaux fatigués le sourire d’un gué.

Suivons ce passage vers les merveilles qui de loin, de près, discrètement veillent.

La lumière et le sel brillent universels dans les peuples qui s’avancent de l’errance à l’espérance :

un Pasteur dans son enclos assure à chacun son lot.

Courons donc par-dessus les rues et les haies, redressons notre tronc, que se désagrège de nos yeux la taie : le grabat qui s’abat arrache comme une bourrasque les plus inhumains de nos masques !

Cette promenade de Théâme, une fois encore c’est la transparence même, et qu’elle est bonne pour dissiper les buées de la maladie ! Oui, les arbres dans la ville sont au milieu des hommes, comme ceux guérisseurs de la Jérusalem céleste. Bénis soient ceux-là qui ont réalisé cette si complète exposition pour que nous puissions avec plus de ferveur encore louer nos frères les arbres. Car, si parfois le virus nous terrasse et nous assigne à quelque grabat, il y a lieu de louer ceux qui à chaque pression de rompre avec nos chances, de rompre avec notre plus belle humanité, prennent la relève, se lèvent et marchent. Et chaque homme debout marche pour un frère alité, chaque homme qui prie aide à faire tenir le monde, lutte contre son effondrement. Dans les rues de Mulhouse comme sur les collines du Zimbabwe, la consigne est la même pour conjurer ce qui cherche à nous mettre à terre. Oui réveillons-nous, brisons toutes les chaînes invisibles de la peur et de la méfiance. Prier, c’est se fier. Dans la Cour des chaînes rien ne retient l’enfant de marcher derrière la vieille dame à la canne. Que nos fragiles passent devant. Que le battement de nos semelles batte la maladie de l’âme. Y contribuent des livres, des enfants sains et saufs qui découvrent, des collines à souvenance de moines où l’on prend soin du monde, des églises où l’on prie comme si c’était avec tout l’univers, d’autres où Dona Musica met des ailes à nos masques, et des lieux où la Science redevient ce qu’elle est de toute éternité : un des sept dons de l’Esprit. Oui, comme le dit la liturgie, comme ne cesse d’y incliner Théâme, élevons notre coeur… Les jambes suivront, et les grabats par derrière, comme le petit chien de Tobie derrière l’ange et l’enfant.