
de ce secrétaire ancien arbore en rouge le blason de la cité.
En bois, en pierre, la roue avec les menaces joue : Mulhouse fait tourner ses moulins pour détourner les dangers malins. Pendant que les ans, que les gens, dorment, se renouvellent sans fin les formes… Trouvé non loin de là, voici l’humble taureau qui résume l’antique et durable cadeau : car la Phénicie a lancé l’aventure de l’écriture qui passe, trace et dure comme un vaisseau de vie sur l’eau.

Europe serait-elle ainsi donc remplacée par une pointe qui ne peut être effacée de notre civilisation ni de ses multiplications ? Toujours est-il que, près de la frontière, des parois sécrètent une lumière

qui change la guerre en paix, la chaleur en souffles frais,

les fossés en rivières, en amitié première.

Quel est ce bateau, rouillé, pourtant beau ? Quelle noble proue pauvrement s’échoue ?

Quelle poupe obstinée veut s’avancer comme dans un terrain dur et glacé ?

Europe nous semble déchiquetée, mais elle déploie la scène aimantée au-devant des accords pour qu’ils reprennent corps.

Montons donc dans le petit train fraternel semant le bon grain : entrons aux galeries des remparts étoilés. Les vestiges sourient quand l’air est libéré.

Le grand stratège accueille à la croisée des routes souterraines : suivons ses plans, quoi qu’il en coûte. Sachons éteindre les foyers de la haine, et la renvoyer!

Quelle est la source silencieuse dont, par-delà l’oubli, l’inspiration jaillit avec sa force mystérieuse ? Tout à coup, le Street Art devient natal, surgissant de son support pariétal avec une dynamique joyeuse.

Perçant les murs vers le ciel pur,

les voûtes écoutent. Et l’enfant creuse, fend, du fond jusqu’au faîte, à perdre la tête.

Il s’échappe soudain, d’un bond franchit le Rhin.

Là-haut, il rencontre simplement la princesse aux Grands-Yeux audacieux, naviguant entre bête et ciel avec adresse.

Le plus limpide des remparts se trouve sans doute dans l’art comme dans la pensée : une sainte patronne de l’Europe, Edith Stein, avec Amour rayonne dans certains calendriers, nous invitant à prier pour les ponts et pour la jeunesse, pour que l’espérance renaisse.

Merci, Théâme, de nous emmener sur ces rampes de l’art qui seules font rempart à l’acédie contemporaine. Oui, tout peut être sujet de métamorphose, le volet de la guerre fait un angle fusant avec le volet de la paix. Les lourdes pierres de la forteresse sont précédées des aériennes lignes colorées d’un envol. Europe ne cesse non plus de s’échapper sur son taureau ailé, tandis que tournent toutes les roues de tous les moulins de Mulhouse et de son coeur. Un vaisseau cherche encore les eaux d’une partance sonore qui sauve Europe d’inanité. Et il reste, rouge, une maison d’enfance. De petits passe-murailles, aux pyjamas rayés et aux dos ronds, ouvrent dans les murs les plus opaques des passages insoupçonnés. Alors la poésie, cette soupçonnée, partout s’insinue. J’entends chanter l’oiseau européen de Char : »A nos mains un désir d’outre-destin, quelle crainte à nos lèvres demain??? «