
Péléal est un organisme plein de talents, de compétences et toujours perfectible, dont la mission est de mettre sur pied des pèlerinages à partir, voire à l’intérieur, du diocèse de Strasbourg. Après le Portugal en 2014 et le Maroc en 2017, Théâme a la joie de vous présenter sous un jour qu’elle voudrait spirituel et fraternel la découverte de quelques hauts lieux jalonnant des provinces situées à l’ouest de l’Alsace, jusqu’aux plages du débarquement et jusqu’à la vaste baie illuminée par le Mont-Saint-Michel. Tout, pourrions-nous dire avec Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, nous a « souri sur ces terres », sous l’exigeante « joie du ciel » qu’elle développe dans l’Histoire d’une âme. Ainsi pourrait se justifier, même pour des pèlerins plus habitués au baluchon, le mot-valise PÉLÉalléluia.

Si tu pars en pèlerinage
Depuis le sourire rémois Qui sait neutraliser le froid,
Ne pèle pas, mais ris et nage.
Puis à Lisieux Rouvre les yeux
Du cœur, jusqu’aux baies Dissolvant les taies
Qui nous empêchent de voir, De donner, de recevoir.
Soudain, la guerre et ses tartres Volent en éclats à Chartres.
Premier sourire, 3 septembre.
Rentrée très « classe », Pleine de grâce :
Le bus court Vers le jour.
Thérèse, Tes braises
Sont des roses de guérison Qui fleurissent l’horizon.
Les champs ondulent, Craie majuscule
Aux pieds du moulin ami Qui leur tend les bras : Valmy.
Par-dessus les silos en cathédrale, Une lumière demeure centrale.
Globes et totems Brisent les items.

Éoliennes,
Vous couronnez,
Aériennes
Vous ronronnez,
Musiciennes
Vous rayonnez :
Nouons les mailles De vos semailles.
Les labours rendent moins amers Même les embruns de la mer.
Les chevaux ne chôment Pas, tirant le chaume
Dans l’air Bien clair,
Tandis que la brise patiemment reboise, Autour du colombage et de l’ardoise.
Deuxième sourire : 4 septembre.

Quand vient te bercer l’étoile, Laisse-toi percer jusqu’aux moelles.
Sans le savoir, Thérèse a prié sur le corps De l’évêque Cauchon longtemps après sa mort.
« Dans le silence, on voit l’invisible »,
La jeune guide a bien raison : Quelqu’Un habite l’oraison
Où Ses rayons choisissent leur cible,
Éclats plus précieux que l’or Et que tous les coffres-forts.
Ainsi les ailes Mieux se cisèlent
Et, parfois, la beauté Hausse les bas-côtés.
(Anniversaire d’un voyage en Israël…) À Paul et Thérèse, un même jour de Noël
(1886) (1) offrit la merveille D’une action de grâce qui travaille et qui veille.
Augustine et Lucien (2), chacun semble être né De par sainte Thérèse au même moment clé…
Un arôme d’herbe Nous emplit de Verbe ;
Un Enfant Nous défend.
Troisième sourire ? 5 septembre.

Sous la pluie, une main bergère Par ses voies nous mène et nous gère.
Quand Thérèse voulut prier face à l’autel, Elle fit échec à toute forme de gel.
Désormais les plantes Même pantelantes
Peuvent jaillir Pures, agir
Dans la tendresse De la justesse.
L’âme voit le jour
De la Délivrande En faisant l’offrande
Reçue de l’amour.

Au-delà du parapet Chante le cœur de la paix,
Rappelant les naufrages Eux-mêmes au courage.
Quatrième sourire ? 6 septembre.

Le fruit du ciel
Comme une pomme
Pour un mets substantiel
Attend la faim des hommes.
Il faut du jeu, Du « fun », du feu,
Pour qu’une vie sainte Évolue sans crainte.
Les maisons
Fabriquent
Des briques,
Des maçons
Et des laines Châtelaines.
La terre peut-elle clocher Sous tant de pointes de clocher ?
Sur la bouse, Thérèse entre rose et « roseau » Pousse jusqu’au large nos fragiles bateaux.
Dès lors la lumière, Réchauffant les pierres,
Les fait naviguer Hors de tous les gués.
Lorsque l’Archange Donne le change,
Fini de vaguer :
La calèche Longe et lèche
L’été Des prés,
Mais du crottin l’arôme Marche en marquant le dôme
Du grand ciel Torrentiel.
Les plus sûres délices Surgissent du service :
Entre les écueils Et le vaste accueil,
La navette gratuite Vous emporte sans fuite.
Cinquième sourire : 7 septembre.

Il pleut
Une ronde
Qui meut
Tous les mondes.
Gardons au cœur La baie sans heurt,
Sans limites Pour l’ermite,
Où le maître du Mont Vient à bout du démon.
Autour de Tombelaine Virevolte l’haleine
De l’Esprit Qui saisit
Marges et barges Vers le grand large.
Ouvrons les yeux Depuis Lisieux,
Du Havre À l’Avre :
Verneuil (3) A l’œil
Sur les pentes Et leurs plantes,
Jusqu’à ce que nos regards Se dégagent du brouillard.
Devant la liesse Fuit la vieillesse
Et les châteaux d’eau Tirent leur chapeau.
Néanmoins pour avoir une dose De grâce, il suffit d’une rose,
Et les rochers Se font nochers
Afin que les pèlerinages À travers les nuages nagent.

La communion de travail Prend vite comme un émail.
Dans le labyrinthe On marche sans plainte.
Soudain le vitrail Ouvre le vantail.
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés… (4)
La Cathédrale Chasse les râles :
Avec leur foulard d’or et le lait d’un duvet, Les pèlerins passent aux rives de la paix.
Car sur les champs de bataille la terre, Sous le blé d’hiver, déjà s’éclaire.
7 septembre 2018.
Épilogue : un sourire à venir.

Mais voici que chez nous, Dans l’ombre, un pilier doux
S’élève comme on marche Sans bruit auprès de l’Arche.
Une pierre en la chapelle Saint-Jean,
Singulière, anonyme, Comme toutes les cimes,
Semble rendre sa présence et son sang
Au Précurseur dont soudain la silhouette Se dresse face au Crucifié, fin prête.

Pendant qu’à Chartres s’achevait le chœur,
À Strasbourg œuvraient les mêmes techniques
Pour qu’à la crypte romane un gothique
Rayonnement succède, adorateur.
Voyez le croisillon sud en pleine lumière
Monter pas après pas depuis le quatuor
Des évangélistes : la couleur des prières
Gravit le grès jusqu’aux anges liés par l’accord
À l’appel de Celui qui très haut les couronne, Mais qui bénit l’autel autant que Ses mains donnent
Sa miséricorde, humble salut parfait, Aux âmes éperdues, tendues vers Sa paix.
Nous ne Le voyons guère Depuis notre misère.
Mais, s’Il est reproduit en porte-clés, Son regard nous aide à ne rien bâcler,
À prêter ensemble notre aide Pour que la terre soit moins laide,
Pour que tous les enfants Grandissent dignement
Et que s’ouvrent aux vies qui se croyaient mortes Du ciel – débordant d’espérance – les portes.
M.H. 9 septembre 2018.

(1) Paul Claudel et Thérèse Martin datent leur « conversion » de la même Nativité.
(2) Nos grands-parents, nés l’une l’année de la mort de Thérèse, l’autre l’année de sa « conversion », s’en étaient remis en 1929 à son efficace intercession.
(3) C’est près de Verneuil-sur-Avre notamment que sont nées Les Laines de givre déjà recommandées par Théâme, et que leur auteur Yves Suriel repose en paix. L’on peut se procurer ce recueil de poèmes généreusement illustré en envoyant son adresse postale et un chèque de 20 € couvrant aussi les frais de port à
Madame Anne MIGUET 6 rue de l’Église 90150 VAUTHIERMONT.
(4) Charles Péguy, début de sa Présentation de la Beauce à Notre Dame de Chartres (1913).
Merci, Martine ,pour cette tant belle et poétique relation de pèlerinage, tissée de sourires et de frôlements d’anges, et qui nous hisse pas à pas, par le regard de l’art et la méditation, vers Celui qui appelle » notre aide pour que la terre soit moins laide ».
Sublime et grandiose final porté et supporté par la merveilleuse colonne.
Oui, nous restons pèlerins chaque jour, en marchant des merveilles vers l’amour…
Qu’il est étoilé ce pèlerinage à cinq branches et à cinq sourires. Oui en nous le poisson-Christ rit et nage et aussi sous-rit comme une lumière en sous-main et sur-nage comme une nage sur l’ombre de la présence. Ainsi l’ange rémois se lie à la vierge de Lisieux, comme Paul se lie à Thérèse. Un pèlerinage n’est-il pas aussi l’histoire d’une âme qui eut des ancêtres? Et combien naturellement nous viennent ici Lucien et Augustine, ceux de Martine, eux dont les figures d’oraison accrochèrent à l’horloge de la vie de priantes aiguilles. L’archange veille en son cloître, aussi parmi nous que les anges à bicyclette d’Arcabas, ou que les anges au pilier de Strasbourg et le rose du grès sourit en sourdine au bleu de Chartres tandis que » la profonde houle et l’océan des blés » tissent leurs rayons d’or sur la terre et les traces des hommes. Alleluia, Alleluia.
Merci aussi aux âmes châtelaines qui voudront glisser leurs doigts et leurs yeux entre les pages des » laines de givre » d »Yves Suriel (un autre nom d’ange entre psaume et poème)
Lire avec délectation chaque ligne et contempler, tel un joyau, chaque photo.
Frissonner au moindre détail, se réchauffer à chaque sourire, puis voyager les yeux fermés, touchée en plein coeur. Me voilà imprégnée de ces contrées visitées, pour certaines il y a fort longtemps et, pour d’autres, de temps en temps.
Vous m’avez permis ce soir de refaire le chemin à l’envers de ce parfait pèlerinage en me recueillant à chaque perle, les égrenant une à une à l’image d’un chapelet (apparenté au mot chapeau ? Je vous tire mon chapeau et vous dis :
Martine, bravo !).
Nous sommes tous des élèves que seule la grâce des merveilles élève : au-dessus des misères à combattre ensemble chaque jour avec elle, n’est-ce pas ?