
Parfois l’hiver comme un coeur d’air bat à fleur de terre : l’eau même s’éclaire.

Alors le héron trouve son cocon, comme un peintre sous l’empire du pire nous libère pour toujours et s’inspire.

Devant le saint du jour Antoine, le désert s’est rempli tout à coup d’un épineux hiver… Mais Mathis fait passer la puissance de sa vision dans d’autres naissances, dans la liberté du regard qui relie les âmes par l’art. Paul Hindemith composa la musique, le livret et la chaleur symphonique dignes d’un ingénieur qui fut un éveilleur, ou plutôt un guérisseur, voire un phare : car la fin de son opéra déclare « Au bout d’un certain temps vient la lumière ».

de l’ouvrage « Grünewald – Le Retable d’Issenheim » par H. Geissler, B. Saran, J. Harnest,
A. Mischlewski (avec des photos de Max Seidel), publié par l’Office du Livre, Fribourg,
et la Société française du Livre, Paris, 1973-1974.
L’Elu quant à lui vint péniblement au monde à travers l’histoire et la légende. Mais qui donc montrera le doux esprit d’amour, obtenant que l’orgueil fasse amende honorable, et donnant naissance aux lois qui triomphent des années ou des mois ?

Un jour un empereur, à genoux dans la neige, monta vers un Grégoire, laissant loin ses cortèges.

par Jean-Baptiste Duroselle, Librairie Académique Perrin, 1990.
De même, la pensée de Pascal travaillait la campagne blafarde et blanche comme jais… « Qui a dit : Un roi sans divertissement est un homme plein de misères? »

de Claude Giraud dans le film de François Leterrier.
Le Château de Kafka dresse aussi ses murailles dans un pays transi, sans saisons ni semailles : « Le village était sous la neige. La colline du Château restait invisible, le brouillard et l’obscurité l’entouraient ».

Alors, de l’immémoriale épaisseur romanesque monte la vision pure de Perceval chevalier, défenseur, porteur d’une immense veine future : une « oie était blessée au col d’où coulaient trois gouttes de sang répandues parmi tout le blanc. » Et Perceval « s’appuie dessus sa lance afin de contempler l’aspect, du sang et de la neige ensemble. » Les guerriers les plus courageux sont ceux qui tremblent pour l’enjeu de la vie sacrée, du souffle qui crée.

Ainsi le chantait, en-deçà des millénaires, le prophète prêtant sa voix au Verbe père :
La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ;
ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission.
Oui, dans la joie vous partirez, vous serez conduits dans la paix. Montagnes et collines, à votre passage, éclateront en cris de joie, et tous les arbres de la campagne applaudiront.
(Is 55, 10-12).
Ainsi le Grand Ballon relance l’horizon : un invisible visage façonne le paysage.

Et la navette va, de neige et pluie, de bas en haut comme la course ailée d’Eur-Ope fraie la voie du jour même quand l’ombre affreuse effraie.

Dans l’hiver brillent clairs, malgré la froidure brisant les ramures, les murs de l’école dont le seuil nous enseigne patiemment l’accueil. Et vive ce soir WIKIPEDIA qui fête ses vingt ans, à nous (in)former toujours prête !

Quel beau bonhomme de neige et de livres élus liant aux neiges d’antan les neiges alsaciennes du jour avant le lendemain qui fut le jour d’Antoine. Et toujours leur blancheur immaculée fut opposée à l’écarlate du péché, et aux infernales tentations d’Antoine que nul mieux que Mathis le peintre ne sut immortaliser. « Cette neige nous l’aimions elle n’avait pas de chemin, elle découvrait notre faim. » Ainsi floconne en nous la parole de René Char. Aux beaux romans cités de Jean Giono, de Thomas Mann, de Franz Kafka et de Chrétien de Troyes, nous adjoindrions volontiers, le si poignant « Jour avant le lendemain » de Jorn Riel auteur de maints racontars arctiques, le très poétique « NEIGE » de Maxence Fermine et le palpitant « Smilla ou l’amour de la neige » de Peter Hoeg. Oui, la neige inspire et retrouve toutes les légendes de l’enfance et de l’hiver. Le héron dans son cocon ourlé d’épaisse neige semble talismanique, et la ville est adoucie par l’épais dais qui arrondit les angles et atténue les bruits. Comme si lui était associée une délicatesse de velours… Elle est surtout la beauté qui laisse émerveillé tout un chacun. Mais on songe aussi à la froidure et au coeur de glace de la reine des neiges ! La neige n’est belle et douce qu’à ceux qui ont un foyer du retour. Puisse les sans-feu trouver des hospitaliers.
Merci à la plume ailée par la chaude Hermine pour ces nouvelles pistes de lecture et d’action !