
Depuis quelques jours, les paroles fortes et pourtant sereines d’Isaïe traversent les diverses traductions, les siècles écoulés depuis le VIIIe avant notre ère et cette première semaine d’un Avent particulier, pour résonner jusqu’à Théâme : Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau (Is 55, 1), Omnes sitientes… Johann Georg Rauch, musicien né à Soultz en Haute-Alsace et organiste de la cathédrale quand elle fut par ordre de Louis XIV rendue au culte catholique, a modulé ces paroles pour que le latin fasse lever un ample matin, pour qu’une fois exhumée cette musique fasse exulter en nos temps troublés les voix et l’écoute d’une ardente attente, celle qui bat en nous tout bas.

La cathédrale confisquée s’entrouvre : quels mots se glissent de ses chênes rouvres, de ses piliers pour réfugiés, puis de ses verrières brisant les barrières ? “Consolidez et consolez Mes peuples” (Is 40, 1), tous leurs enfants si différents qu’ils ne peuvent qu’être frères, qu’être à la guerre contraires. Fuyez donc le retour à l’ordre, ayez recours au désordre innovant : sortez… d’auparavant, sans plus tordre de noirceur votre cœur.

Car ces vies, en apparence opposées, sont tout irriguées, guidées, arrosées par la grâce qui, sans forcer, amène l’ombre à s’effacer – pour que l’allégresse s’approche et progresse – devant le jour clair de l’amour.

Afin de pouvoir reconstruire, toutes se laisseront conduire par un petit garçon (Is, 11, 7) jusqu’au juste unisson.

Sous une enfantine baguette, au fond de l’Ouzbékistan frémit le rythme à tous les rangs : la haine de l’autre s’arrête, et l’harmonieux, le mystérieux, accord afflue du bout du monde, vous menant ensemble sur l’onde, sur l’haleine et sur l’eau d’un généreux tempo.
Lorsque la défaite remplace la quête, au sombre soir du désespoir, quel souffle halète ?

Khalil Gibran dresse l’oreille : même maintenant, quelles sont les merveilles qui nous gardent vibrants ? Qui vient en prophète ?

Serait-ce une enfant qu’un dessin anime, qui va droit devant de l’abîme aux cimes, qui redonne âme et sens aux mots, fine silhouette à la fille-mouette, tendant voile et mâts des bateaux, dégageant la luette de la jeune muette jusqu’à ce que la liberté contagieuse vienne délier notre fierté batailleuse ?

Et, soudain, sous les mains d’une tiède bruine revivent les ruines : voici que les couleurs courent avec bonheur.

Ensemble, des ailes tremblent d’étincelles dans l’air, par tant de prophètes des nouvelles fêtes rouvert aux joies éternelles. Europe sans heurts, au bord de l’aventure européenne, porte-plume de la paix, grande sœur des Libanais, avant une plongée méditerranéenne veut sécher ses pleurs pour changer son Crépuscule originel en un radieux vestibule, plus fraternel.
Merveilleuse bulle de savon place Kléber : sculpture de verre…
Le petit prodige est étonnant… un peu trop ?
Khalil Gilbran m’embête avec sa ssssaaagggeeesse !