
Nous connaissons les métiers à TISSer des pierres aussi durables et rondes que les points d’aiguilles laçant leurs ondes sans jamais se lasser de les hisser. Voici le Cantique de Jean Racine où les langues ensemble s’illuminent comme si la TESSiture des voix faisait craquer l’ombre en coque de noix.
Dissipe le sommeil d’une âme languissante, a prié le matin même de cette Chandeleur un immense chœur bilingue en l’église Saint-Barthélemy de Mulhouse.
Puis une Ecole de Musique tremble, en ce dimanche magique, de merveilleux cours qui semblent trop courts, d’enfances qui dansent en l’ancien château, car les vignes sur un signe les hèlent en haut…

Dans la salle attentive, le Colombien et “l’Alsacien” jouent une Czardas vive.

Ensuite, avec Leonardo Rojas chaque élève mélomane est un as, plus fort que l’affreux vice d’avarice au silence oppressant et subreptice.

La splendeur de l’amour reste aux aguets pour épargner la misère aux bouquets, aux chefs-d’œuvre d’un grand-père fidèle au génie TISSerand comme aux modèles jaillis des ateliers mulhousiens et de leurs durs métiers musiciens.

“Un voilier affrontant une mer déchaînée” : cette toile survit à l’audace exilée, mais surtout elle échappe au pillage réglé du musée tutélaire et soudain saboté.

Tout texte est une île, une aile textile qui vous attend, comme en suspens, pour bercer le vent sur le temps et la plus cruelle souffrance au clair appel de l’espérance.

En présence de François Cheng, le plateau de France 5 n’a-t-il pas récemment résonné d’une lumineuse définition donnée par Simone Weil : “La foi, c’est l’expérience que l’intelligence est éclairée par l’amour” ?

La nuit construit des parois, des TEXtures : ainsi les TESSitures de nos voix se mettent sur le métier à sauver, tresser, lisser, patiemment TISSer. Car métier est ministère et service afin que rien ne vienne ôter à l’humanité sa beauté, mais que s’évanouisse enfin l’injustice. Pour ne pas la laisser nous tuer ni nous hanter, prenons à bras-le-corps le métier à chanter.

Il y eut un soir, il y eut un matin et Dieu, dans ses mains tisserandes, lui qui de toute éternité nous tisse dans les entrailles de nos mères, a fait de ce jour de chandeleur un jour tissé de lumières. Les pierres de Barr entre l’éclairement du matin et l’éclairement du soir se sont laissé tisser par la musique – Alsace et Colombie, Ambroise et Leonardo – qui les a fait frissonner de joie. Des jeunes gens découvrent un métier, commencent à y tisser les étoffes de leur vie. Des enfants sains et saufs découvrent… la beauté de leur voix, et on a senti au passage des volontés qui frémissent et des murmures qui vont – harmonieusement – s’affronter. Jadis des maîtres tisserands et des filatures firent la prospérité après les vignes d’autres vallées alsaciennes. Le Musée de l’Impression sur étoffes se souvient… Se souvenir : une autre “intelligence éclairée par l’amour” ? Les textes aussi font la navette entre nos vies vécues et nos vies racontées : la trame de nos vies devient la chaîne qui tire les mots justes du puits de nos consciences jusqu’à la margelle d’un livre. Alors les mots chantent, les mots deviennent des cantiques. Merci à Virgile qui sut chanter, merci à Jean Racine qui le sut aussi et merci à François Cheng qui l’apprit, merci au Chinois au coeur limpide et fin, de qui l’extase pure est de peindre la faim, merci à celui qui lutta toute une vie avec l’étrangeté d’une autre langue, avec sa faim, pour en faire jaillir des textes, des fleurs et des oiseaux. Alors dans un froufrou d’ailes, paroles et musique, passe la beauté. Silence …elle fait tourner les moulins de nos coeurs, et les rouets de nos âmes. Chantons maintenant, que ce soit notre invisible métier.