
“La prière, vous savez, ça sert [… à] contempler avec davantage de clarté.” (Chez nous de Marilynne Robinson, Babel 2016, page 186.) Entrebâillons donc la secrète fenêtre de l’âme qui semble rouillée sous la négligence et l’oubli…
Par moments, la chambre noire du cinéma s’ouvre ainsi, d’abord en noir et blanc, mais souvent en bouffées de couleur, de rire et de mélodie : Jules et Jim de Truffaut, le visage de Romy, l’Ode à la joie de Ludwig, Edouard Manet, donnent à ce Frantz les charmes du mensonge vrai.

Parfois même l’air de l’Hymne européen s’échappe de l’écran, nous appelle d’un souffle presque frais, d’un vent de résurrection tout près.

Contre les traumatismes, pour que les deuils lissent le seuil, le soin des chromatismes sait agir et guérir mieux que le souvenir.

Avec la même divination musicienne et terrienne, L’homme qui voyait à travers les visages entrelace les thèmes chers à Éric-Emmanuel Schmitt : les anges et Dieu, le double et l’écrivain, la faim d’humour, la quête d’une guerre salubre contre ses propres défauts lugubres, la jeunesse de la joie qui bat au cœur de la misère tout bas, enfin des FANTômes cessant de hanter pour qu’un Royaume puisse chanter, des vagues de dialogues qui gardant le cap voguent, le théâtre comme cadeau contre le plectre de tant de SPECtres, contre la haine et le chaos… Sous les surprises, sous tant de bourrasques, semblent tomber ou s’arracher des MASQUES ; cet accessoire portait chez les Grecs anciens le nom du VISage : or, avec lui, la VOIX et la PERSONNE plus clair, plus fort, rayonnent – de quoi VISer, sans rien briser, l’innovation relationnelle et l’aventure fraternelle ! Tout est donc présent – déjà le suspens frémit et vibre d’un appel libre à “créer de nouvelles aubes avec les matins d’hier” (page 225), à “respirer la lumière” (page 228), à remplir l'”écoutoir” (page 250) qui VIS-à-VIS donne à VOIR des sources de parole, jusqu’au fond des rigoles…

Distillant son lait secret, même la pierre le sait : jamais nulle vie trop loin ne dévie. Vous ne les sentez pas veiller à vos côtés, mais des âmes ne cessent de vous escorter pour le meilleur, non pour le pire, pour vous délivrer de l’empire qui fait dire même à Dieu, pour Ses enfants tout anxieux, “J‘ai mal à l’homme.” (Pages 329-330.)

“Rien ne se reproduit aussi vite que la violence” ; donc “la crise spirituelle ne sera dénouée que spirituellement.” (Pages 343-344). Car tout VISage est un voyage vers la douceur de l’indicible, vers l’eurOPéenne VUE menant à la paix à travers des actions portées par le reSPECt et sa force invincible, vers les couleurs de l’inVISible, vers la solidarité qui seule peut abriter l’harmonie infinie.

Encore un numéro édifiant et bien construit. Quel plaisir!
Tâchons donc d’édifier encore, même avec des pierres immatérielles, dans le sillage de cet autre virtuose génial et généreux qu’est Victor Hugo : “Tout vit. Tout est plein d’âmes.” C’est du moins Ce que dit la bouche d’ombre dans les Contemplations.