Il fallait bien paraphraser le titre du film « Allemagne, mère blafarde« . L’Eglise et l’Europe ont leurs Pères, vénérables et vénérés ; l’Eglise a même une mère authentique et sainte, Marie de Nazareth. Mais où donc est passée la mère de l’Europe, qui la porte également à partir du Proche-Orient, depuis trois mille ans, à l’insu – voire en dépit – de ses enfants européens, et qui leur a pourtant tout donné, de son matronyme à son énergie, pour les mettre au monde de la liberté ?
Hier, Le Grand Tour de Patrick de Carolis l’a soigneusement contournée en terre pourtant crétoise, donc proto-hellénique et pré-européenne : les superbes images de la Trois montraient abondamment Minos et le taureau, mais sans jamais rappeler qui était la mère du premier et la maîtresse du second. Zeus semble donc avoir totalement éclipsé dans notre mémoire collective prétendue moderne la Phénicienne qui nous a légué, laissé, donné, tous les modes de progrès et dont il faut ici, de guerre lasse – sans hésiter à se répéter, réhabiliter le nom : Europe !
A Marseille, le magnifique MuCEM semble certes tissé par son histoire : par-delà casques, masques et voiles, les veines d’Europe et les vaisseaux de l’Europe se lisent dans cette dentelle technique et poétique où méritait de battre clairement le cœur des Civilisations européennes et méditerranéennes. Mais, plus que d’un Musée, elles ont besoin d’une portée de souffle, d’une musique pour rendre présence et grâce, d’une danse de densité. D’ailleurs le budget ne désigne-t-il pas la pochette contenant les réserves pour faire face aux dépenses inséparables d’un voyage ?…
Pendant ce séjour dans la lumière du Sud, quelques signes ont heureusement pu creuser le besoin d’Europe. D’abord, le film au titre imprononçable EYJAFJALLAJÖKULL montrait qu’à travers l’Union Européenne la course, l’amour et le rire sont plus forts que l’incommunicabilité, la dérision et la séparation réunies.
Les dialogues et les paysages d’YEMA prouvèrent par l’absurde la nécessité d’une paixmaternelle et contagieuse.
Le Majordome enfin nous renvoya sur les traces de la première démocratie, celle qui est précisément partie de Grèce à travers les mers et les continents, à la suite des signes alphabétiques et des engins nautiques auxquels Europe confère une vibrante consistance.
D’ailleurs, le supplément de Témoignage chrétien daté du 26 septembre mettait en page 30, sous la plume de Marc Endeweld, l’accent sur « la cosmogénèse de l’Europe », au sens teilhardien, voire einsteinien.
A toute dame de coeur tout honneur : qu’envers la princesse Europe – qui, semble-t-il, loin de nous galope – les égards et le regard se développent ! Que sa LARGE-VUE nous sorte de notre égoïste myOPie, que nous ayons la vue moins basse : que la VUE HAUTE d’Europe nous hisse vers l’espérance jaillie tout droit de la reconnaissance, vers l’altitude de gratitude que suscitent ses humbles services constants, alors qu’elle est restée à ce point – si longtemps – bafouée et reniée, condamnée à l’ombre, à la honte, au silence, après avoir fait à l’élan civilisateur le don personnel de son vocable, de sa vocation et de son allure !
Au gré de son sillage d’immigrée, à la mariale Etoile de la mer qui nous rend moins blafards dans les pires naufrages, que nos cultures se gréent, s’ancrent et larguent les amarres : au rythme et en direction d’abord des boat-people, mais ensuite, mais toujours, à la clarté fidèle de cette disparue, de cette immense présence, de cette invisible à partir de laquelle apparaissent et ruissellent sans cesse les sources de notre vision.
Oui, que cette espérance
« Que sa LARGE-VUE nous sorte de notre égoïste myOPie, que nous ayons la vue moins basse : que la VUE HAUTE d’Europe nous hisse vers l’espérance jaillie tout droit de la reconnaissance, vers l’altitude de gratitude »
se réalise !
Jean-Yves