
I. M. Colette Villain.
De feuille en feuille, d’espace en temps, les vieilles façades laissent passer le chant… De Char le charme résistant baisse les armes : on entend DE PAGE EN PAGE LE SON DES MOTS. Car la lumière perce les pierres et le langage lève le beau.

Mine de rien Colette donnait à la volette, sans le chercher, un autre sens à son nom : les romaines VILLAs résonnaient au fond.

Or elle semble avoir attendu les baies offrant un rajeunissement à son ancien appartement PIERRETCIEL pour laisser tomber les taies de ses yeux, pour prendre son essor clair et léger à travers la mort.

Colette avait transmis la Parabole du propriétaire, qu’une idée folle contraignit, conduisit, à ne vivre que pour multiplier ses vivres, à mettre enfin son âme à sac, lui qui ne rêvait que hamacs, jusqu’à ce qu’une voix l’accule et le délivre : « Cette nuit même, on vient te réclamer ton âme ». Pourquoi donc accumuler ? L’Europe qui, le jour de la fête des mères, se fera vaste cadre ouvert aux élections mérite également que la conscience opère…

Tout près de lui, ce triste visage hivernal ne voit pas fleurir le sourire matinal de l’automne qui foisonne, ni du printemps qui, dans l’âme et le grès, dit oui. Longtemps le souffle de Colette s’est réjoui de l’Esprit qui palpite par-delà nos limites, de soigner, de cultiver le réveil, de compter les couleurs qui coulaient du soleil : merci, Colette, chère « âmelette« .

Et voici qu’elle s’en va, frêle esquif auquel mai prête une aile, de page en page vers le salut, de feuille en feuille vers l’absolu, quittant le port de plaisance pour les flots de la présence.

Un arbre d’argent a poussé sur la feuille noire. Noir couleur de l’impossible vivant. Colette nous quitte avec sa belle écharpe bleue, elle dont le métier fut de prendre soin. Mais la parole aussi prend soin du monde : comme les larmes naissent et se pressent, ainsi font les mots. Aussi me permets-je de confirmer le lien vers le son des mots, ceux de Char précisément : si vous voulez écouter Anne, en épluchant des carottes ou en repassant des chemises, voici sur l’aile de sa voix des poèmes de René Char, enregistrés aux bureaux de RCF sur l’invitation d’un vieux prêtre le père JEAN-MARIE BAERTSCHI : « Nos atouts sont perpétuels comme l’orage et comme le baiser, comme les fontaines et les blessures qu’on y lave ». Le MARTINET de René Char y passe et d’autres beaux poèmes de ce poète qui sut résister et saluer la liberté aux courroies de sable.
https://rcf.fr/culture/de-page-en-page-le-son-des-mots-n-04-
Le dernier poème, l’adieu à Lourmarin, écrit pour saluer l’envol d’Albert Camus, s’entend pour tout endeuillé et ceux qui pleurent Colette y trouveront nourriture.
« Arbre d’argent sur feuille noire », l’invisible soudain rend gloire : c’est même un rameau d’or ( https://fr.wiktionary.org/wiki/rameau_d%E2%80%99or ) qui vient sertir la mort parfois, comme lorsque Enée ou Virgile virent les enfers s’ouvrir en tranquilles allées d’éternité conviant à la beauté.