
Pourquoi ces jalousies, ces judas, ces lunettes De soleil si chouettes, même ces « gargoulettes »
Dont on croit entendre le doux ruissellement Dans l’étymologie arabe du battant
Appelé moucharabieh, alors que la vue Réciproque permet seule qu’on évolue ?

Or le verre est parti d’un littoral lointain Et de millénaires qu’on imagine en vain,
De conserve avec les toutes premières lettres Et les bateaux forçant la mer à se soumettre…

Comment expliquer que les Phéniciens
Sans rien dire Et sans lyre
Devinrent souverains musiciens
Pour que l’inhumaine distance Diffuse soudain l’espérance,
Pour qu’entre murs mitoyens
Sans chicanes Qui cancanent
Mûrissent des citoyens,
Pour que parmi les bêtes Nous relevions la tête
Et pour que nous nous parlions
– À travers Eur-Ope Qui souffle et galope –
Entre accord et rébellion ?

Cette obscure Phénicienne n’erre
Pas depuis la nuit des temps :
Elle élargit les perspectives Selon son nom, de rive en rive,
Puis incarne, en traversant
Flots et nuit sur son taureau solaire,
Le trésor évolutif
Alphabétique Et puis nautique
Offert à ses frères rétifs Parmi les écueils, les récifs…
Qu’ainsi paraisse et toujours naisse,
Par mille recours – Dont Vision Strasbourg -,
Sans paresser la jeunesse
Loin des mouroirs Et des miroirs.

Rappelons-nous le film d’Agnès Varda Visages,
Villages : nous vivons ensemble en nous sauvant
De l’inhumanité sauvage face au vent
Qui, nous portant, répète avec force « Oh, vis l’âge
Des proches ou défunts, recherche le rivage
Que tu cultiveras sans pouvoir t’habituer ».

Entre l’exigence éternelle Et l’étincelle fraternelle,
« Le visage est ce qui nous interdit de tuer »,
Levinas le tenait d’une source immortelle !

D’après Wim Wenders, « les ailes du désir » Par l’admiration se laissent ressaisir.

Bouches et langues jouent entre elles
Pour que « la terre, mère et sœur »,
Respire des phrases plus belles :
« On ne voit bien qu’avec le cœur ».
Ainsi la trajectoire de la Parole Nous entraîne en son immense parabole…
Ce qu’a dit Antoine de Saint-Exupéry Par le pape François prend forme dans l’esprit,
En nouant les liens du bien sur une ligne claire Qui vient à notre tour nous inviter à faire…
Pour pouvoir s’entraider,
Pour que la colombe De la paix ne tombe,
Il faut se regarder
Au village Des visages.
Visages Villages… Oui, Agnès Varda, oui, Théâme, oui, Emmanuel Levinas, oui, François de Dieu, oui, Saint-Exupéry : « Visages sous vos traits la terre se regroupe », écrivait René Char à Victor Brauner, visages dont la vulnérabilité exposée commande de ne pas tuer son frère : « je suis responsable d’autrui, dût-il m’en coûter la vie, sans attendre la réciproque, la réciproque c’est son affaire ».
Ce fondement de l’éthique par le visage permet que l’œil écoute, sans judas, sans jalousie sans moucharabieh, sans lunettes qui déforment. Il faut écouter, nous redit François, il faut lire nous dit le Temple-Neuf de Strasbourg. Car, si nul ne voit les faces de YHWH, du moins peut-on chercher Son Visage (et notre ressemblance avec Lui) à travers Sa parole. Visage nuptial, dit Char, visage dénudé, phare de l’œil qui écoute et qui voit aussi et qui voit avec le cœur, car il n’est aucune vaste vue dont la lueur ne soit pas aussi montée du dedans. Dévisager nos villes, comme Théâme dévisage Strasbourg de billet en billet, dévisager leurs églises, leurs quartiers, leurs quais, leurs chantiers, leurs grues, leurs brasseries, leurs agoras, c’est y retrouver des villages, des « places du marché où jouer de la flûte fera danser » des visages. Un ange là-haut, de toutes les ailes de son désir, applaudira. Alléluia.