
Qu’en cette fête de saint Louis, anniversaire d’une heureuse Libération, les griffes de l’aberration se desserrent sur nos têtes et sur la terre ; les valeurs forment le seul bien communautaire, qu’il suffit de servir pour régner sans mourir : SERVIRE DEO REGNARE EST. Voyez Louis monter en barque non point pour qu’on le remarque, mais en sachant que le mal, pour peu que l’ancre chasse les chancres, ne peut demeurer fatal. Encore faut-il que l’âme tienne fermement la rame et nous ouvre les yeux : REGNER, C’EST SERVIR DIEU…
Rame… ô branche De sève ou planche
D’oiseaux, de chants, D’où viens-tu quand
Tant de règnes de vie,
Se rencontrant à pied Avec ou sans papiers,
Entrent en harmonie
Dans ton seul nom Bien plus profond que long ?
Tu vas jusqu’à franchir par nos mains les frontières Pour ouvrir dans les mers des portes de lumière.

Le gentil Catulle, rêvant déjà sur l’espace et le temps, sur les métamorphoses que subissent les choses, changea tendrement le bois d’un canot en une harpe de l’âge et des mots. Entre la Turquie et le lac de Garde, ses aventures d’armes et de cœur, portées par les jambes fatiguées des iambes, vinrent échouer leurs émouvantes hardes en un sourire doucement chanteur, préfigurant certes d’Arthur le Bateau ivre, mais avec de simples pulsations qui délivrent : le lourd discours indirect s’allège en logorrhée, en vraisemblable prosopopée, et le vieux latin, pendant que l’allégorie veut que tous… « allez-go-rient », en joyeux matin.

Cette grande coque, Vos regards la croquent,
Ô voyageurs. Mais mon moteur,
Dit-elle sur un ton limpide, Est plus que les autres rapide :
Nul impétueux élan
D’étrave nageuse
Moins que moi ne fut lent :
Mes paumes rameuses
Ou ma voile suffisaient A porter mon envol frais.
Cela, ni la rive de l’Adriatique
Menaçante ni les îles cycladiques
Ne le nient jamais, continue-t-elle, pas plus Que la noble Rhodes, la Thrace en talus
Propontide, que l’affreux golfe pontique, Où ce qui fut enfin coque sur les criques
S’était montré feuillage fauve et bleu ;
Car, au sommet du Cytore, un murmure Fréquemment sortit de sa chevelure
Où la parole court, siffle et se meut.
Amastris du Pont et toi, Cytore Qui portes du buis, la coque encore
Le redit : Vous avez su, vous savez, Tous ces points en les connaissant assez.
Depuis sa profonde origine, Elle a tenu sur votre fine
Tête, répète-t-elle, a baigné dans vos flots Ses paumes rameuses, et puis elle a bientôt,
Par tant de tourbillons qui flottent Sans ordre, porté le pilote,
Que la brise l’appelât A gauche ou droite, là,
Où qu’à la fois sur ses deux écoutes L’haleine divine fût tombée, en avant toute.
Sans avoir adressé de vœux aux dieux marins, Précise-t-elle, hors de la mer elle vint
Jusqu’à ce lac aux vagues pures.
Mais c’est du passé. Car, maintenant,
Au fond de sa cachette sûre,
Elle voit s’écouler ses ans
En se vouant sans parjure,
Sans quartier, âme et corps,
A Castor, au jumeau de Castor.
(Adaptation proposée par Théâme pour tenter de garder vifs le rythme et les images de la quatrième poésie composée par Catulle, sur le thème d’un canot désigné en grec et latin par la cosse de petit pois ou de haricot.)

J’entends des étudiants la voix gouailleuse scander, tout étonnée, des vers vieillis ; mais ils ont d’une cadence joyeuse uni les rivages et les pays. Cette arborescence de résonances entre sens muets, entre accords fluets, entre en convergence avec l’espérance, quand les populaires vide-greniers, parmi les rondes de la Rotonde, font de nos rues des sentiers familiers, de nos voisinages de futurs partages. Les mots jaillissent tous d’un même tronc, au-dessus des brocantes qui s’entendent et chantent : il permet contre la haine de faire front par l’alliance fraternelle, pour la musique éternelle.

Les premiers bateaux qui n’utilisèrent pas trop l’écope, le premier stylo qui sut épouser nos doigts, c’est d’Europe qu’ils nous vinrent, par la Crète et son sol escarpé, mais prêt à tous les envols, de la barre aux guitares, des récifs aux esquifs…