
toits de l’école Jean de La Fontaine et de l’église Saints-Pierre et Paul.
Entre les murs interloqué, mais non bloqué, brille l’azur. Ecoles, églises, partagent la brise : le monde s’est fermé. Quel souffle va germer ?

Au-dessus du feu rouge brille une ombre qui bouge. Tout près de nous, l’art veille tôt ou tard.

Au bord du square, qui viendra boire ? Les jets dansent déjà pour arroser, mais où le cœur pourra-t-il se poser ? La croix transparente fait gravir les pentes, mais les oreilles voudraient écouter une musique prête à s’égoutter.

De soif, l’arbre pleure : une source demeure. Coule-t-elle de la terre ou du ciel et sécrète-t-elle un mystérieux miel ?

Quel visage saigne ? Quels recueillements lavent ses tourments ? Quelle haleine enseigne ? Tout autour, chaque maison aspire à l’horizon. Dans nos tribulations en pandémie chinoise, nous croyons réentendre un titre, cherchant noise à notre déréliction, la tournant en dérision…

Mais soudain la Parole prend soin de loin, s’enracine, s’envole, quand l’Esprit passe et vient. Car de l’homélie, plus que jamais et pour la paix, l’étymologie est l’intime entretien où nos homes se lient. Voici que le bois soutenant nos toits tisse entre les cloisons une forêt nouvelle où la vie fraternelle œuvre, vibre et ruisselle : de ceux qui marchaient « s’ouvrirent les yeux », leur compagnon « disparut » silencieux – leurs deux « cœurs » gardèrent la radieuse « brûlure » forée par « l’ouverture » ailée des « Ecritures ». Laissons donc le coronavirus faire advenir chez nous Emmaüs : que des âmes la sève dans le corps « se relève » (Lc, 24). En dépassant notre contrition grâce à de révolutionnaires homélies, apportons notre contribution face à cette convulsionnaire pandémie.

« Viens, Saint Esprit, remplis de tes fidèles les coeurs ». Capture d’écran de la messe matinale célébrée par le pape François et diffusée chaque jour en direct depuis le début
du confinement planétaire entraîné par le coronavirus Covid-19.
« Ephata » semble dire, comme le Christ au sourd-muet qu’il va guérir, à voix basse ce billet d’homélie inspiré : « Ouvre-toi ». Quand tout, par arrêté de préfecture ou de gouvernement, quand tout doit se fermer, tout ce qui, hors les hôpitaux, offrait son universelle ouverture, écoles, églises, marchés, cafés, jardins publics, il faut que se prononce en un autre lieu essentiel de nous-mêmes cet « Ephata » qui précède l’ouverture du tombeau. Oui, il faut ouvrir l’événement à une autre lecture pour qu’enfin nos yeux se dessillent et que, « le coeur tout brûlant », nous reconnaissions celui que nos yeux étaient empêchés de voir, qui marchait à nos côtés dans ces rues vidées de Mulhouse, comme jadis sur la route d’Emmaüs, laissant de minuscules traces de son passage, des traces et non des preuves ; dans un petit bonhomme rouge et flexible, dans les si vertes frondaisons balançant leurs palmes, dans l’eau susceptible de jaillir du rocher ou du pavage , dans le coude d’un arbre dont l’écorce est un poème, dans la chapelle d’où chaque matin rayonne la parole qui de tous les peuples veut faire des disciples. Oui, en ce temps des portes fermées, soyons comme Théâme des lanceurs d’Ephata, des relieurs-homélieurs.