
C’est au cœur de la neige hivernale que battent les splendeurs estivales… Quand de lumineux serpentins rendent les chantiers diamantins, que la volonté sobre nous lave de l’opprobre et qu’à nu les noyaux se révèlent joyaux, les oiseaux volent plus libres dans le firmament qui vibre.
Mais d’autres attendent, bagués, de pouvoir traverser à gué : quelle est donc la présence qui leur rendra l’aisance ?

De tout côté, le regard voudrait percer le brouillard.

Quel partage s’esquisse sur les feuilles qui crissent ?

La comète sur le toit, splendide, vient-elle bercer le froid livide ?

En tout cas, les lutins veillent soir et matin, sans laisser la laine de leurs grands chapeaux leur prendre la pleine vue ni l’acuité sonore qui gardent, avec Apulée et César Franck, l’Arbre des âmes bien mieux que des bardes, sans avoir aucun besoin de tanks, grâce à leur musique inouïe et mutique…

Un peu plus loin, quelques plantes pourtant dormantes avec soin polissent et lissent l’alliance de la terre avec le ciel, menacée par les guerres et le fiel.

Les roues de Mulhouse sont prêtes à sauver glaciers et pâquerettes…

Même sous les frimas, les fleurs s’expriment et nous montrent la route intime de secrets trésors plus précieux que l’or !

Que les livres deviennent nos anges dans nos garages ou nos granges.

Et qu’ils se montrent les protecteurs autant des arbres que des lecteurs !

Car des pages nous marquent plus qu’elles ne nous parquent en nos maisons comme en prison : par « des lumières ou encore des respirations créées par les végétaux », telles que les évoque Cécile Modanese-Roth, nous pouvons apprendre la juste attitude avec la nature. Or la béatitude habite et palpite dans le Jardin qui nous comble déjà, pauvres lutins… Car « nous sommes tous des arbres » qui « marchent » à la manière de Noé, de l’arche : en forêt vers la paix.

Voici qu’avec Théâme, malgré l’hiver qui neige et qui givre, nous « descendons aux jardins ». Les jardins acclimatent les âmes dans la ville. Sans eux, seraient sans air nos âmes. L’arbre des âmes le sait, que veillent trolls et lutins. Les branches nues évoquent la vie pauvre, la vie du mendiant d’amour qui doit venir et que dans les rues de la ville des traces d’Eden annoncent à pas de lutins et de trolls. Car tous, arbres, branches, mais aussi buissons de fleurs et même vous, herbes frileuses et raidies par le gel rapace, vous annoncez cet étonnement, entre les murs de la ville, de la vie crue, sauvage et d’un seul tenant. Qui sont-ils, ces trolls et ces lutins, sinon des anges ayant laissé par discrétion et commodité leurs ailes encombrantes au vestiaire de Dieu – ou de Saint Vincent ? Le chameau de Bactriane en cache-t-il un dans chacune de ses bosses ? Et le flamant sous ses ailes repliées ? Lui demeure peint en rose comme la dame de monsieur Proust, mais l’étoile qui « pleurait rose » devient ici verte chevelure de comète. Facétieux lutins qui changent les codes des couleurs… Cependant toujours la neige murmurera la blanche irradiation des cœurs purs, plus forte que l’écarlate de tout péché. Cette fine neige sur la ville, nous l’aimons, elle a des cabanes dans la rue, elle anticipe notre faim qu’une étoile bientôt fasse s’ouvrir le ciel, et que tous ces terrestres lutins vite aillent reprendre leurs ailes et, perchés sur la cime du plus haut ginkgo biloba, chantent comme jadis aux bergers : Noël ! Noël !