
A. Mischlewski (avec des photos de Max Seidel), publié par l’Office du Livre, Fribourg,
et la Société française du Livre, Paris, 1973-1974.
A ce monde couronné d’épines va se donner le vinaigre qu’il faut boire jusqu’à la lie. Bientôt, à l’hallali, l’alléluia de vie pourra-t-il succéder ? Que devrons-nous subir pour voir enfin le jour de l’harmonie surgir ?

la mise au tombeau du Christ.
Seul saint Jean fut présent des quatre évangélistes quand la mort fit tomber sur tout le voile triste. Est-ce pour cela qu’on lit sous sa main que vers Jésus à l’agonie est montée une éponge amie, imbibée de vin amer pour la faim et pour la soif, mais parfumée d’hysope ? Cette herbe sacrée, très humble, se développe sous les jolis noms de marjolaine, origan… Quel réconfort reçut Jésus dans l’ouragan de la nuit ? Serait-ce que l’atroce vinaigre est passage obligé pour qu’un corps soit allègre ?

Toujours est-il que ce désinfectant sur le carême deux mil vingt répand son asphyxiant arôme salutaire(1) pour rendre les âmes plus solidaires, pour que du globe la respiration se libère, pour qu’une « EuroPassion » nous remette sur le pied non de guerre, mais de paix : dans une communion claire, dans une large imagination en réseau. Dès lors, les coups ou la dérision du « roseau » cité par les deux premiers synoptiques cèdent la place au stylet, à la pointe et l’alphabet : au bienfaisant « calame » évangélique manié par des milliards de messagers qui ne veulent jamais se ménager.
(1) Il convient évidemment de compléter l’usage de ce désinfectant minimal et familier par les puissants produits recommandés pour enrayer la pandémie de Coronavirus COVID-19.

page 93 du même ouvrage.
Le désespoir se désole quand la Parole s’envole ! On dirait que l’univers entier soudain s’est ouvert en questions et demandes, en nouvelles offrandes. Jusqu’aux moelles blessé, de haines hérissé, sur les plaintes souveraines qui envahissent les plaines, pourra-t-il se redresser ?

Que l’esprit dans la chair inocule le secours de l’amour : pour tous, l’antidote majuscule ! Au plafond, à grands bonds, par contagion la joie de jumeaux qui jouent met sur nos têtes les virus juste en joue : à genoux, les joujoux…

En cette liberté confinée du Vendredi saint, en cette pénitence forcée, suivons le Chemin de croix, humant le vinaigre qui déjà prélude, allègre, au banquet éternel, au BON JOUR fraternel, à la miséricordieuse Couronne : quand le divertissement finit en « peaufinement », elle éclaire le monde, elle soigne et pardonne.

Se peut-il que l’allegria de Pâques garde sur la bouche cette année un goût de vinaigre et que notre allégresse, malgré le Ressuscité venu à nous, demeure aigrelette ? Tant de cènes qui demeurent confinées, tant de couronnes qui gardent leurs épines. Et pour tous ceux qui avaient ardemment désiré partager la pâque avec leurs amis, le billet de Théâme n’élude pas la vérité : un peu d’hallali demeure dans la gorge nouée de nos alléluia. Le ressuscité ne garde-t-il pas la marque des clous ? Dans nos vergers en fleurs demeure un araucaria… Véronique alors vient renouer au soin du monde la passion du Christ. Jamais les gestes soignants ne nous parurent plus proches de l’Esprit de Pâques. Oui, dans nos hôpitaux certains ressuscitent : ils sont la prédelle au bas de nos retables. Ils portent des ailes d’Annonciation et il est bon de toucher le bas de leur manteau. Pour tant de Jean qui ne purent prendre sous leur toit leur Marie, pour tant de fils qui ne purent étreindre leur mère, qu’à côté de la louange monte encore l’intercession. Souvenons-nous que même des obus d’une guerre on pu faire une icône de dévotion. Oui, Pâques cette année est encore aux oliviers : veillons et prions.