
La dormance va finir et les éclosions jaillir. Mais parfois l’imprévu pose à nos cœurs l’entrave qui pourrait les abattre, en faire des esclaves, même au bord du printemps quand bouillent sève et sang ! L’on dirait la vie alors « ralentie », ignorant les chantiers autant que les sentiers, flasque, informe, sous l’énorme appel à résister… Qu’est-ce que la santé ?

Princesse de marée basse a rendu ses griffes ; n’a plus le courage de comprendre ; n’a plus le cœur à avoir raison.

…Ne résiste plus. Les poutres tremblent et c’est vous. Le ciel est noir et c’est vous. Le verre casse et c’est vous.
On a perdu le secret des hommes.
Ils jouent la pièce « en étranger ». Un page dit « Beh » et un mouton lui présente un plateau. Fatigue ! Fatigue ! Froid partout !
Oh ! Fagots de mes douze ans, où crépitez-vous maintenant ?
Henri Michaux, Plume : extraits de « La Ralentie » (1937).

Mais voici que frémit de souci l’œil ami.

Ce n’est pas demain la VEILle que s’éteindront les merveilles : il faut seulement être VIGilant pour que la VIGueur circule entre bêtes qui hululent et risibles gardiens responsables du bien commun, pris dans la nasse d’inédites menaces.

Il suffirait d’approcher sans crainte un ferme Rocher hérissé d’arêtes pour qu’enfin s’arrêtent vertiges, éboulis, et qu’un vent coulis de jeunesse vous redresse.

Ecoutons et montons. Jamais vieille n’est la VEILle pour peu que le soin la change en témoin : en haleine sur la peine d’autrui. Le puits de l’aide qui ruisselle à distance étincelle de réconfort, de muets accords, jusque dans la plaine cueillant l’eau souveraine à deux mains pour demain. « Il ne suffit pas, écrivait Robert Redslob en 1956, de suivre les chemins de la montagne et de contempler la beauté prestigieuse des cimes »…

Il faut encore que sur toute route la fraternité s’exerce et se goûte.

Qu’on aime à la rencontrer, cette Ralentie de Michaux ! On a le visage dans sa carriole et avec elle on tâte différemment le pouls des choses, hanneton aux élytres renversées, et ne sachant pas comment retourner le monde. Hier, hier encore… Chance de la vie sauvage dont les cages respirent. Chance de ceux pour qui le confinement n’a pas trop de barreaux et qui peuvent encore sortir. On a tant besoin de cette échappée du grand beau dehors. On pense aux prisonniers sans visite désormais, encore doublement confinés. Puisse un oiseau bleu à leur fenêtre les venir réconforter et porter des rêves de Grand Ballon !
Contre le coronavirus va tinter le calme angélus. De même, La Ralentie résonnait à mon oreille avec la voix que tu lui donnes sur l’herbe de votre « Hermine » : merci pour cette musique de l’attention qui saura mettre à l’aise, puis debout, notre terre et notre coeur abattus par la maladie ou la nostalgie. A ta suite, nous gardons le cap sur la guérison – chacun, mais tous ensemble, sans que personne tremble – : c’est notre proche horizon.