
Des devantures à l’aventure, depuis les techniques vieux jeu – d’après le langage de la scène qui s’élargit à d’autres domaines – jusqu’aux jeunes cœurs courageux, la force de la vie, par le passage pascal et le renouveau natal, coupe court à l’envie.

Entre les brouillards occidentaux et la clarté d’une onde qui, de ses futurs mondes, rafraîchit le fond de nos canaux, le poète Jules Supervielle, en posant son séant léger sur l’océan, dépasse la musique sérielle par un jeu plus sérieux que la francophonie ou l’appel qu’on oublie ou de tristes adieux, par une grave grâce qui se grave dans l’âme et la délie de toute entrave, faisant sereinement lever du ténébreux matin le blé. Tout à coup, sur les plus indignes invectives prévaut l’intelligence aimante : un détective aide à prouver que l’esprit seul ressuscite et guérit, sur le feu de la jeunesse, sur le jeu de la tendresse. De Jules Supervielle, écoutons des extraits capables de mener d’une guerre à la paix.
Hommage à la vie
C’est beau d’avoir élu Domicile vivant
Et de loger le temps Dans un cœur continu
[…]
D’avoir aimé la terre, La lune et le soleil,
Comme des familiers Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier À sa monture noire,
D’avoir donné visage À ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage À d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme À petits coups de rame
[…]
C’est beau d’avoir connu L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine Du sang noir dans nos veines
Et doré son silence De l’étoile Patience,
[…]
D’avoir senti la vie Hâtive et mal aimée,
De l’avoir enfermée Dans cette poésie.
Jules Supervielle, 1943.
