
Un pauvre hère sans beauté sait manier l’ironie jusqu’à la symphonie d’un air capable d’acquitter… Nous voilà certes ses juges : que plus rien donc ne nous gruge, même si « le mal court plus vite que la mort », même si l’on préfère aux actes le décor, même si « l’argent » compte encore plus que « l’âme » ou si nul ne cherche qu’à se sortir du drame : comme dit Socrate, il faut « examiner » pour qu’enfin la vie sache s’illuminer !

Un air de beauté politique inspire un pas chorégraphique : ce qui fut dit alors pour sauver la jeune démocratie devient l’écrit transformant ses lecteurs en « amis » de la vie, non pas du salut à tout prix, mais des valeurs qui nous relient – en la Compagnie des Amis de Platon qui veulent détecter et partager les « dons ». Des merveilles nous « réveillent » dès lors et l’or s’éteint quand le public piaffe d’impatience, quand au fond de lui résonne « la conscience ».

Le timbre de Socrate semble éraillé, mais c’est pour nous empêcher de dérailler : si les suspens du procès scandent l’étrange représentation, recevons ensemble l’offrande rayonnante d’une « intuition » presque déjà christique, pour sûr charismatique. Car « le signal intérieur » du dieu nous rend avec Socrate joyeux.

Serait-il possible que des malheurs iniques nous ouvrent une ère de beauté politique ? « Chevaux » et « taons » traversent le plateau, tandis que la sagesse rayonne de tendresse : nous voudrions aussi courir par monts et vaux… Tout l’œuvre de Platon pourrait porter le titre Z, tellement Socrate y revit, bondissant de chapitre en chapitre, signe d’espérance qui redresse et ravit. Pauvres juges dans cette salle, nous nous sentons indignes, sales, jusqu’à ce que le regard d’adieu de Socrate nous renvoie moins vieux, dans un souffle de beauté citoyenne, vers la liberté musicienne.
