
Vendredi treize : chances de braises ! Le Temple Neuf de mon enfance, plein comme un œuf d’ombres immenses, a tout à coup, à pas de loup, soulevé le voile pour offrir la voile à l’esprit qui nourrit, pour mûrir en treilles d’hiver nos oreilles.

L’orgue muet souffle et reçoit, par des flûtes horizontales qui semblent déchirer le froid, une vapeur d’eau musicale : elle tombe doucement sur les cœurs en visite et vient arrondir les accords du chœur qui palpite.

Quand les questions se multiplient sans congestion, l’œil se délie : devoir de voir…
Et non point par vertu car nous n’en avons guère, / Et non point par devoir car nous ne l’aimons pas, reconnaissait, quelques mois avant de mourir au front parmi les premiers de la première guerre mondiale, Charles Péguy dans sa Prière de confidence à Notre-Dame de Chartres. Demeurons sauvages, cherchant les rivages où le temps nous attend, comme le personnage féminin de Clarissa Pinkola Estés :
Elle vit tout / Avec son cil de loup, / Tout ce qui était vrai, / Tout ce qui était faux, / Tout ce qui se retournait contre la vie / Et tout ce qui se tournait vers la vie, / Tout ce qui ne peut se voir / Qu’à travers le regard / Qui évalue le cœur avec le cœur / Et non à la seule aune de l’esprit.

A la suite d’Europe, voyons : soyons enfin moins misanthropes… Devoir de voir, et d’entendre pour nous rendre à la paix sans arrêt, à son haleine chassant la haine.

La liberté de penser ne peut jamais commencer que sur les vives rives de l’action attentive qui d’abord obéit. Ne pleurez plus, pays bien-aimés : vos cervelles, malmenées et rebelles, savent créer les conditions où la vérité se révèle, où s’efface la soumission, où la bonne étoile enfin se dévoile, où réfléchit le souvenir, mais où l’avenir vient bénir.

Un voile de nostalgie passe dans les regards qui errent alors au loin, dans les djébels, sur les hauts-plateaux, dans les cailloutis et les chemins creux, écrit François Heim pour conclure son expérience de la guerre d’Algérie.

A nous de tenter ici d’inventer la courageuse marche qui fait respirer, qui fait réparer, capable de changer la foule molle en arche, puisque le seul danger est de rester inerte, face à l’horreur des pertes autant qu’à la beauté vibrant de tout côté.
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